Football

Ecrire un billet sur le football… Comment suis-je tombé aussi bas ?

J’étais chez un ami qui m’a raconté une soirée devant un match de foot. A mesure qu’il me parlait, je savais que j’allais écrire quelque chose… C’est cet enthousiasme, cette passion qu’il manifestait, qui m’ont fait comprendre qu’il y avait là quelque chose de pas tout à fait ordinaire…

Le foot, c’est une vieille histoire. Une histoire de jeunesse. C’était LA passion. Tout tournait autour de cela pour beaucoup de gosses du quartier. Nous avions l’habitude de nous retrouver les mercredis et les samedis après-midi pour jouer des heures durant, sans interruption. C’était un grand plaisir. Nous constituions des équipes équilibrées, et nous ne comptions pas les buts (pas par choix philosophique, mais parce qu’il y en avait trop, et rapidement plus personne ne savait où en était le score…). Bref, le pur plaisir du jeu. Sans compétition. La compétition, c’était pour le dimanche matin, avec le club. C’était toujours du foot, mais pas aussi amusant. Même pour une rencontre entre enfants, les esprits s’échauffaient vite sur la touche, car il fallait gagner. J’avais la désagréable impression de n’être qu’un pion qui devait exécuter les ordres tactiques de l’entraineur (à l’époque on parlait encore un peu français… on n’utilisait pas le mot «coach»). Gare à qui n’écoutait pas : il risquait de ne pas être sélectionné pour le match suivant… Bref, il y avait deux types de foot : le foot plaisir et le foot compétition. Le foot compétition nous permettait de nous projeter dans un avenir que nous souhaitions : devenir footballeur professionnel. C’était le rêve de la plupart d’entre nous.

Nous suivions toutes les retransmissions télévisées. L’époque était celle d’un football magnifique, celui des Brésiliens, mais qui commençait à virer « dur » avec le football des Italiens. D’un côté, le plaisir de jouer ; de l’autre, une seule finalité : la victoire. C’est cette seconde vision des choses qui a pris le dessus. Il faut dire que l’argent s’était invité pour prendre peu à peu toute la place : paris, salaires de plus en plus mirobolants, « mercato » où s’atteignaient des sommets toujours plus hauts, pub… Les mentalités changeaient : les supporters de plus en plus excités, de plus en plus violents, voulaient eux aussi seulement la victoire. Finie l’époque où l’on était content de la victoire de qui la méritait, même si c’était l’équipe adverse.

De mon point de vue, le foot s’est perverti, et je ne m’y suis plus intéressé du tout. J’avais l’impression de ne pas participer au massacre. Parce que, quand même, si les choses vont dans un sens, c’est aussi un peu la faute de ceux qui suivent : si les gens acceptent de payer les places aussi cher, de regarder les matchs (souvent truqués – on disait aussi « achetés »), d’acheter des produits dérivés à des prix déraisonnables (oui mais c’est pour le petit…). Bref, moi je ne voulais pas… J’ai donc tiré un trait sur le football, depuis très longtemps.

Mais pas mon ami, qui regarde souvent les rencontres… avec son jeune fiston d’ailleurs qui, comme nous jadis, joue dans un club.

Et l’autre soir, donc, c’était Barcelone qui jouait. Et, parait-il, ça a été un grand moment. Je voyais bien cette lumière dans les yeux, quand il me parlait. J’ai eu droit à la perfection du jeu, à l’efficacité du collectif, à la simplicité des joueurs et de l’entraineur, à Messi le meilleur joueur de tous les temps, que même c’est Pelé qui l’a dit (Pelé avait été surnommé le roi du football, en son temps ; la référence, quoi). Il a ajouté que pendant des années le club a refusé de porter de la pub sur son maillot, c’était le seul club professionnel dans ce cas. Mais ce n’est plus vrai aujourd’hui.

Cette histoire me plaisait bien. Comme quand on se fait une mauvaise idée de quelqu’un qu’on avait beaucoup aimé, et qu’on se rend compte qu’on s’est trompé. Mais l’argent finit toujours par reprendre sa place : cette belle histoire est un épiphénomène. Elle prouve qu’on peut faire mieux par l’association, par une mentalité moins personnelle, moins agressive, plus amicale et plus ouverte au plaisir, dans ce qui est finalement l’essentiel de l’activité humaine : la distraction. Mais, disais-je, l’argent gagne encore…

Oui, je suis tombé bien bas : j’ai presqu’envie de regarder un match du Barça.

Ce texte est un billet que j’avais écrit il y a quelques mois, et que j’ai renoncé à publier. La question que je me posais était celle de son intérêt pour le lecteur.

Et puis l’actualité d’un championnat d’Europe que je n’ai pas suivi (sinon les résultats auxquels on ne peut pas échapper…) m’a fait reprendre cette réflexion sur le foot. Avec plein de questions sur l’attitude de la « foule » qui idolâtre des hommes − hommes dont le seul savoir faire, semble-t-il, est celui de jouer avec un ballon sans se servir de leurs mains − et qui les met au pilori si la victoire n’est pas là. La défaite chauffe les esprits. Il suffit d’ailleurs d’observer le comportement des supporters qui peuvent devenir des bêtes sauvages si un ballon est entré dans une cage plutôt que dans l’autre ; ou bien simplement des gosses qui pleurent (sérieusement, comment un adulte peut-il pleurer à cause d’une défaite lors d’un match de foot ?)

La victoire, elle, pardonne tout. Parce que, il ne faut pas se faire d’illusions : ce sont les mêmes « déficients mentaux incapables de parler correctement » (je synthétise ce qui se dit dans la presse) qui, s’ils avaient gagné le championnat d’Europe auraient été invités à l’Élysée par le Président de la République, et acclamés par la France.

Bien sûr que je suis choqué par un langage misérable et méprisant de jeunes banlieusards qui ont eu la chance de réussir dans le foot. Mais cette histoire, c’est celle de la réussite de pauvres types devenus multimillionnaires et qui font un bras d’honneur à la société. La réussite, c’est le fric. Message reçu. Ils emmerdent tout le monde, et ils ont bien raison, car le monde le mérite bien : ce sont ses propres règles.

J’aime bien tout ce qui met la société devant ses aberrations flagrantes. Comme − autre exemple irritant − les parachutes dorés pour des grands patrons qui coulent des entreprises et sont remerciés (j’allais mettre des guillemets à remerciés, mais ce n’est pas utile) avec des dizaines de millions d’Euros de dédommagement prévu par contrat… Je crois qu’il est sain que ça énerve !

Finalement, je continuerai de ne pas regarder le foot… Ça m’énerve !

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One Response to Football

  1. Olivier says:

    Et au delà du foot, c’est tout le sport professionnel et toute la compétition que l’on peut questionner. Sur ce sujet, je recommande les 4 émissions diffusées cette semaine sur France Culture (culturesmonde; 11h).