Ça y est !

Waouh ! Je viens de décrocher mon premier CDI ! À 52 ans… C’est pas la classe ?

Ben oui, jusque là j’étais une merde. Mais à partir de juillet, c’est terminé !

Je me suis rendu compte que je n’étais qu’une merde il y a quelques années, quand ma fille m’a demandé mes 6 derniers bulletins de salaire, une photocopie de mon contrat de travail, et de je ne sais plus quoi encore, pour me porter garant de la location d’un appartement au loyer mensuel de 540 €. Le dossier a été refusé. Parce que le garant était en CDD, lui a-t-on dit. « Mais enfin, il est médecin, quand même ! » insista ma fille. « Ah ben non, mademoiselle ! Nous, on préfère quelqu’un qui gagne même la moitié de ce que gagne votre père, mais en CDI. »

L’image du père en prend un petit coup quand même. Heureusement, j’ai une fille qui a compris que c’est le monde qui ne tourne pas bien rond, et j’ai pu gardé ma dignité de père…

Pour comprendre comment j’en suis arrivé là, il faut que je revienne un peu en arrière. Exactement en 1999. Cette année-là, le chef adjoint du service m’a proposé de prendre un poste de PH. Je n’avais rien demandé car, même si pendant des années les premiers urgentistes ont été payés à coup de lance-pierre avec des vacations, nous faisions quand même ce que nous voulions faire : de l’urgence (pré)hospitalière. Et cela nous suffisait. Nous avions un salaire d’ASH (agent de service, chargé du ménage), que nous pouvions améliorer en prenant des gardes supplémentaires de nuit et week-end. Pour la somme astronomique de 1000 F (150 €) pour 14 h de travail (18 h – 8 h).

On me proposait donc un vrai statut. Bien sûr, je n’étais pas contre ! Bon, le problème, c’est qu’entre temps s’est présenté un « demandeur et ami » qu’il a fallu contenter. L’erreur, ça a été de ne pas m’en parler, et de m’envoyer au casse-pipe à un concours de PH truqué. Ne soyez pas étonnés, c’est courant la magouille (ou le copinage) à ce niveau et dans ce milieu. Lorsque j’ai découvert tout cela, j’ai écrit un beau courrier au responsable du montage qui m’a répondu ceci : « qui ne s’est pas fait avoir au moins une fois dans sa carrière ? » Autrement dit, rien d’anormal à cette situation.

On m’a proposé de repasser l’épreuve, mais j’ai refusé. Je crois que personne ne comprenait ce refus, ni mes ennemis qui voulaient régulariser une situation embarrassante (parce que connue), ni mes amis. Certains me disaient que c’était de l’automutilation que de refuser d’être PH. Ils ont compris quand je leur ai expliqué que pour moi, l’automutilation c’était de rentrer dans les rangs, de courber l’échine, de me soumettre. C’était ma façon de ne pas cautionner un système aussi pourri.

Je suis donc devenu « contractuel », un nouveau statut mis en place, un peu meilleur que celui de vacataire. CDD de 3 ans renouvelable. 2000, 2003, 2006… Et en 2009, probablement pour bien me faire comprendre qu’après une vingtaine d’années de travail dans le service je n’étais qu’une merde, mon employeur − les Hospices Civils de Lyon − m’a proposé une prolongation d’une année seulement. En pleine période de pénurie d’urgentistes ! C’est à ce moment-là que j’ai utilisé pour la première fois un moyen moderne de protestation : ici.

Il ne s’agit pas de travestir la réalité : j’ai finalement accepté un contrat de 3 ans après avoir relu les textes de loi… qui étaient, en fait, sans précision claire sur le nombre de renouvellements possibles.

Toujours est-il que le résultat a été un dernier CDD de 3 ans pour moi, puis rapidement la décision a été prise de ne proposer que des CDI aux anciens. Ai-je été un acteur dans ce changement de politique ? Je l’ignore. Mais bon, finalement, nous arrivons au terme de ce 4e renouvellement. Et, donc, ça y est… J’ai signé mon premier CDI… À 52 ans… La classe, ouais…

Inutile de préciser que je n’en ai à peu près rien à faire, sinon d’en profiter pour poser la question du statut du médecin hospitalier et du prix éventuel à payer pour obtenir celui de PH. Enfin, heureusement les termes ne se posent pas ainsi pour tout le monde. Les choses sont parfois plus simples. Chacun a son histoire…

Dans toute mauvaise chose il peut y avoir du bon. En l’occurrence, le parfait « soi-niant » que j’étais, toujours disponible et volontaire, s’est transformé en humain plus indépendant de la structure qui l’employait, un peu plus soucieux de sa personne et de ses propres désirs. C’est ainsi que je suis passé d’une vie réellement épuisante à une vie de rêve. Mi-temps et heureux de l’être, épanoui dans une vie essentiellement orientée vers le loisir et le temps libre.

Ce qui n’empêche sûrement pas de réfléchir sur la pratique médicale (mais pas seulement), bien au contraire… Car il faut bien du recul et bien du temps pour cela.

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