Au(x) percepteur(s)

Surprise ! Ceci n’est pas une lettre de réclamation !…

En fait, je voudrais vous faire part de mon point de vue sur l’impôt.

Pour vous dire, en premier lieu, que je paie l’impôt sur le revenu, et que cela ne me dérange absolument pas. Bizarre, non ?

Pourtant les sollicitations ne manquent pas pour m’en dispenser, au moins en partie. En effet, au minimum une fois par mois j’ai l’appel fort amical d’un spécialiste en fiscalité qui commence toujours par : « Qui ne souhaite pas payer moins d’impôts, n’est-ce-pas ? » Lorsque je réponds : « Ben moi, m’sieur ! (… ou m’dame !)», en général la discussion ne dure pas. Parfois mon interlocuteur arrive à tenir jusqu’à ce que j’ai le temps de lui dire : « Comment le pays fonctionnerait-il si, comme vous essayez de me convaincre de le faire, personne ne paie d’impôt ? Vous pensez que ça pourrait tourner ? »

Il me semble que c’est plutôt une bonne chose que de participer au bon fonctionnement de nos institutions et services d’État. Je ne comprends donc pas la logique de ceux qui ont beaucoup d’argent. Mais qu’en font-il ? Quel intérêt d’ajouter des zéros sur un compte en banque ?

Bien sûr, par égoïsme bien dans l’air du temps, mais n’y a-t-il pas de conscience d’espèce? Car quel intérêt de garder de l’argent qui ne sert à rien (sauf à se rassurer d’en avoir), alors qu’il pourrait servir au bien-être de tous. L’enseignement, la recherche, les soins, le secours à personne, l’entretien des routes, l’ordre publique, sont bien payés par nos impôts non ? J’ajouterais même qu’on ne paie pas assez d’impôts car nous pourrions renforcer la surveillance des produits alimentaires, rendre indépendantes des labos les grandes instances de santé, renforcer les moyens de l’Éducation Nationale, etc. N’est-ce pas mieux que de mettre de l’argent sur un compte personnel ? Comment en est-on arrivé à faire une fierté de ne pas payer ses impôts ? Et… en étant aidé par la législation, en plus ?

Le hic, c’est que si peu de gens paient, c’est l’iniquité qui s’installe. C’est d’ailleurs l’argument majeur des spécialistes de la défiscalisation : « Monsieur, regardez… tout le monde (sous entendu, les malins) s’arrange pour payer moins d’impôts. Faites donc comme eux, sinon vous êtes le dindon de la farce ! Bref, ne soyez pas con, et d’ailleurs vous ne ferez que preuve d’intelligence en défiscalisant ! »

J’écrivais à un ami philosophe que, n’ayant que deux options, je préférais encore être un con qu’un salaud. Même si cela n’est pas totalement satisfaisant, bien sûr. Mais il n’y a pas de troisième option…

Je ne vous cache pas que parfois j’aurais un peu tendance à me joindre au regretté Jean Yanne qui disait : « Le monde est peuplé d’imbéciles qui se battent contre des demeurés pour sauvegarder une société absurde. » Du coup, dans ces moments là, je n’ai plus envie de payer mes impôts… Pas pour ne pas me démunir, mais pour ne pas participer.

Il existe pourtant, selon moi, un intérêt secondaire à l’impôt… En payant des impôts sur le revenu, je me dispense de faire des dons. Pourquoi ? Parce que je pense que c’est l’affaire de la société. Par exemple, pourquoi donner pour le téléthon plutôt qu’à une autre association ? Est-ce à moi de décider ?

Je m’explique : Je n’ai qu’un tout petit cerveau qui ne me permet pas de réfléchir à toutes les options et toutes les possibilités concernant les priorités de la société. J’estime qu’il y a des gens plus qualifiés que moi pour savoir ce qui doit être prioritaire, dans l’intérêt de tous (disons du plus grand nombre). C’est pour cela que je paie mes impôts. Sinon, c’est n’importe quoi, chacun donnant là où sa sensibilité a été le plus touchée.

Il doit même exister, j’imagine, des gens qui ne paient pas ou peu d’impôts sur le revenu (par l’utilisation des niches fiscales), et qui vont clamer qu’ils font des dons généreux. Moi non. Mais je paie des impôts, sans chercher à en réduire le montant. C’est plus rationnel comme démarche… et plus simple à gérer (je suis incapable de choisir entre toutes les associations) !

Pour revenir au fait de payer ou pas, disons, finalement, que je choisis la moins mauvaise solution, avec un petit espoir, dans le fond (…du fond) qu’une conscience collective s’éveille avant qu’il ne soit trop tard.

Au fait, je ne vote plus parce que je n’en vois pas l’intérêt concret (c’est « blanc bonnet et bonnet blanc », comme disait Coluche, après Duclos…) ; mais je paie mes impôts parce que j’en vois l’intérêt concret. C’est de la logique de base : si je ne sais pas pourquoi je vote, j’arrête de voter, et du coup je sais pourquoi je ne vote pas : parce que je ne sais pas répondre à la question « pourquoi voter ? », si vous voulez bien suivre… (Et si, c’est logique !… Si !)

Tout peut changer, seulement les imbéciles ne changent pas d’idée. J’aimerais bien, d’ailleurs, pouvoir penser que voter peut changer quelque chose. Mais je n’y crois pas… aujourd’hui.

Ça ne va déjà pas très bien… J’espère − pour le pays − que je ne vais pas changer d’avis concernant le paiement de mes impôts…

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