Peine de mort

Voici un courrier que j’ai envoyé à un ami philosophe, à propos de la peine de mort. C’était pour mieux aborder plus tard un sujet qui m’interpelle un peu plus sérieusement : la « peine de vie » infligée par la réanimation cardio-pulmonaire au sujet âgé.

Contrairement à son habitude, il ne m’a pas répondu cette fois-là…

Au début, je me disais que son application ou pas n’était pas un problème. Je pensais en effet que les cas possibles de condamnation étaient rares, qu’ils ne concernaient − a priori − que des grands criminels, et que s’il y avait le moindre doute chez les jurés, il était toujours possible de ne pas condamner l’inculpé à la peine capitale. Bref, je ne comprenais pas l’effervescence autour de ce sujet. (D’ailleurs, je ne comprends toujours pas…)

Ensuite, j’ai réfléchi (très peu, je dois l’avouer) sur la portée d’un tel choix. En simplifiant, j’ai regardé le problème depuis le point de vue suivant : un homme est comme une cellule d’un organisme. Il doit œuvrer dans son intérêt ET dans l’intérêt de l’ensemble. Dans un organisme, une cellule qui agit contre l’intérêt de l’organisme est appelée cellule cancéreuse. Il existe, au début, la possibilité d’un choix pour l’organisme : éliminer les cellules cancéreuses, ou les laisser proliférer. Il n’y a pas de réflexion philosophique, c’est juste un problème de survie de l’ensemble.

Étant d’un naturel plutôt fainéant, je préfère utiliser des raccourcis s’ils me permettent d’arriver directement à une conclusion.

En l’occurrence, j’ai deux exemples qui me font pencher pour la peine de mort :

Le premier concerne des urologues : souvenez-vous, il y a quelques années, des urologues ont été condamnés pour avoir pratiqué sciemment des prostatectomies chez des sujets sains. Je ne vous décris pas les conséquences de telles interventions (risque d’incontinence et d’impuissance). Pour… quoi ? L’argent bien sûr !

De mon point de vue, ces gens ne méritent pas de vivre car ils sont une honte pour l’humanité.

Même chose pour ce second exemple : des juges étasuniens ont condamné des responsables de petits délits à de très lourdes peines d’emprisonnement, en toute connaissance de cause, pour remplir des prisons privées subventionnées par l’État… en fonction des taux de remplissage. Les juges recevaient au passage des pots de vin des prisons même (sorte de commission…). Ne méritent-ils pas d’être privés de vie, même s’ils ont prétendu regretter d’avoir agi ainsi  (une fois pris…) ?

Bien sûr, il s’agit de distinguer l’humanité en tant que groupe, et l’humanité en tant qu’élévation spirituelle.

L’être humain ne compte-t-il que par sa quantité, lorsque l’on parle de « crime contre l’humanité », notion ne se rapportant qu’à des génocides ? J’aurais envie d’introduire une notion de qualité dans cette terminologie : manquer de bienveillance envers ses semblables jusqu’à l’inacceptable (les exemples ci-dessus), n’est-ce pas un crime contre l’humanité ?

Le problème, c’est de s’élever et de regarder de plus haut encore :

Dans ces deux cas, le responsable du problème est bien identifiable : c’est un individu et c’est facile de l’éliminer. Le vrai problème, c’est que la plupart du temps, pour les grosses affaires (ventes d’armes, pollutions − type Bohpal − coups d’état, massacres, spéculations financières, etc., qui sont autant de cancers pour l’humanité) la responsabilité est diluée dans des structures très complexes qui peuvent imposer leur intérêt en toute impunité (voire même en étant aidées par les gouvernements).

Bref, je serais plutôt, aussi, pour la peine de mort pour ces structures…

Mais poussons encore un peu plus loin le raisonnement…

Je discutais avec un ami à qui je disais toute mon inquiétude quant à l’avenir de l’humanité, en m’appuyant sur ce fonctionnement complètement irrationnel d’un point de vue du groupe. Lorsque je lui ai demandé comment lui pouvait être optimiste, il m’a donné la réponse suivante : « Je suis optimiste parce que l’humanité va disparaitre, c’est une certitude ; et cela permettra à d’autres formes de vie de se développer ! » Optimiste jusqu’au bout, l’ami en question !

Il y a longtemps que, moi-même, je pense que l’humanité est une erreur…

Ce qui était un argument devient alors un contre-argument. Pourquoi ? Si je pense que l’humanité n’est pas « bonne », ne mérite pas de vivre, je devrais logiquement penser que tout ce qui est mauvais pour elle est… une bonne chose : qu’elle disparaisse donc cette humanité ! Laissons alors faire ce qu’il y a de moins humain dans cette humanité pour précipiter sa fin.

Conclusion 1 : Pour l’humanité en tant qu’élévation spirituelle je serais plutôt pour la peine de mort (y compris des structures œuvrant contre l’intérêt de l’ensemble), et pour l’humanité en tant qu’organisme (absurde), je serais plutôt contre.

Conclusion 2 : Au départ sans avis sur la question, je finis par ce paradoxe : être à la fois pour et contre. Début de schizophrénie qui me fait aimer et mépriser l’espèce à laquelle j’appartiens ? Me voilà bien avancé !

J’ai bon quand même ?

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One Response to Peine de mort

  1. oliv says:

    Un peu sombre tout celà… J’étais Samedi soir à un petit concert de flamenco, et en entendant Jean baptiste Marino faire parler sa guitare, je me suis dit que l’homme était quand même un être merveilleux. Un peu comme quand Laurent Gerra imite Sarko…
    La musique et l’humour, les deux justifications de l’humanité qui rachètent bien des turpitudes…
    Message dédié à tous les amis de la musique et de la rigolade… et j’ai la chance d’en connaître!