Il y a longtemps que je voulais aborder ce sujet. Comme toujours, cela commence par le doute à propos d’une sorte de certitude communément admise, sur quelque chose qui ne se discute même pas. Je me suis positionné sur cette fameuse protection, depuis longtemps, ce qui fait que je réponds « non » à la question qui n’en est pas vraiment une : « Vous avez une mutuelle ?! ». Alors, la personne de l’autre côté du guichet vous regarde comme on regarde un extra-terrestre. Eh oui, c’est quand même incroyable que quelqu’un puisse aujourd’hui vivre dans une telle insécurité…
C’est vrai que la sécurité est un aspect du problème. Ce n’est bien sûr pas celui qui me touche le plus, parce que lorsqu’on a un problème grave, on est quand même pris en charge à 100% par la Sécurité Sociale. Mais c’est vrai, le sentiment de sécurité n’est pas le même que lorsque l’on est adhérent d’une mutuelle. C’est plus sûr… Et on ne prend jamais assez de précautions, m’sieurs dames !
En fait, l’idée de mutualité n’est bien sûr pas mauvaise. Sauf que c’est la même que la « Sécu », mais en moins bien. Ce qui fait que je ne comprends pas pourquoi les mutuelles existent, finalement. Nous y reviendrons en conclusion…
Ce qui me gêne, ce sont les dérapages que je qualifierais de tristement humains. L’exemple ne fait pas tout, mais parfois il éclaire. J’en ai quelques uns en rayon qui me posent problème. Prenons les lunettes. Combien de fois ai-je entendu : « Bah, moi je prends 2 paires de lunettes par an, parce que j’y ai droit avec ma mutuelle ».
Normal, une mutuelle est une sorte d’assurance supplémentaire qui, pour attirer puis accrocher des adhérents, est obligée de surenchérir par rapport aux concurrentes. Même si c’est à but non lucratif, elle a besoin de se maintenir, donc de participer au jeu de la concurrence. Bref, venez chez moi, j’ai plein d’avantages pour vous, et pour pas bien cher (ce qui, bien sûr, reste à prouver !), je rembourse bien mieux que les autres. Résultat : quand vous allez voir un chirurgien dans le privé, il vous demande d’abord si vous avez une bonne mutuelle. Ensuite, il vous annonce ce que vous allez payer. La variation du prix d’une même intervention par le même « chirurgien – marchand de tapis » peut varier du simple au triple ou quadruple. Nous connaissons tous quelqu’un dans notre entourage qui a vécu ce genre de situation assez surprenante (ou scandaleuse, si on est plus sensible au problème du tarif d’un acte médical). Il ne faut pas s’étonner, la logique du système est toujours la même : comment faire toujours plus de bénéfice !
Comment cela fonctionne-t-il ? Dans ce jeu de dupes, il faut comprendre que plus les tarifs sont élevés, plus les gens seront incités à se prémunir, donc à adhérer. Les fournisseurs de services ou de matériel n’ont pas vraiment de raison de se limiter ce qui explique les prix hallucinants de certaines prothèses, par exemple : lunettes, prothèses dentaires. Idem pour les services… D’un côté on vous explique que ce n’est pas vous qui payez, mais la mutuelle. De l’autre, la mutuelle vous explique qu’en adhérant chez elle, vous aurez les services et matériels les plus chers qui vous seront remboursés. Incitation au gaspillage ? À peine ! On arrive à faire croire que le système est avantageux pour tous. Mais les seuls à payer, finalement… sont les adhérents.
L’aspect arithmétique de la question se pose toujours de la même façon dans un système libéral : quelqu’un en bout de chaine va payer pour que d’autres profitent de la situation.
N’oublions pas, en toile de fond, des campagnes de « sécurité » qui, avec des ficelles qui sont toujours les mêmes, jouent sur de la peur de l’avenir.
Comme pour le vote, je préfère ne pas participer. D’accord, je change de lunettes uniquement quand c’est nécessaire, c’est à dire environ tous les lustres (tous les 5 ans quoi) peut-être, mais il me semble que c’est raisonnable.
La mentalité de l’humain n’est pas encore assez évoluée pour fonctionner sur le mode solidaire. La tendance est toujours à tirer la couverture à soi. Un peu comme dans les logements où l’on chauffe plus parce que le chauffage est collectif. Le problème est un problème de comportement individualiste. Il faudrait changer de mentalité, en préférant l’association à la compétition… ce qui n’est pas pour demain.
En somme : on nous vend de la sécurité supplémentaire (c’est facile, la sécurité n’est jamais suffisante !), ce qui permet de faire tourner une économie dans l’intérêt de certains. C’est la grande différence avec l’esprit de la Sécurité Sociale. Si l’idée est une bonne prise en charge de la santé de la population, il me semble que le moyen le plus logique de gérer le soin serait de renforcer la Sécurité Sociale, et d’éliminer les assurances santé. Mais peut-être que l’objectif n’est pas celui-là. Peut-être est-il de faire tourner une économie libérale, tout simplement. Ce qui, vous me direz, est logique aussi, car la santé n’est, après tout, qu’un bien comme un autre (je préfère préciser que ce point de vue n’est pas le mien…). Le fait qu’il n’y ait pas qu’un seul organisme pour la prise en charge des frais de santé crée automatiquement une médecine à plusieurs vitesses : pour les gens biens couverts et pour les autres. La question centrale est de savoir ce que l’on veut faire : égalité des soins pour tous, ou pas ?
Pour terminer, je voulais revenir sur la mentalité de l’humain. C’est vrai que même la « Sécu » est détournée de son esprit : les médicaments sans intérêts et remboursés quand même, par exemple, montrent qu’il existe toujours quelqu’un pour détourner une idée, même noble, à son profit. Le problème des mutuelles, c’est que le principe même de leur fonctionnement en fait une incitation à la normalisation des dérives (les dérives étant de ne pas dépenser ce qu’il faut, et quand il faut). L’adaptation aux lois du marché remplace l’humanisme. À mon avis…
Cela ne me gênerait pas de payer plus d’impôts (voir au(x) percepteur(s)) ; cela ne me gênerait pas plus d’avoir des cotisations sociales augmentées (on peut dire que c’est un peu la même chose que des impôts). Mais j’aimerais bien, quand même, pouvoir faire confiance à ceux qui gèrent ces organismes de l’État dédiés à la solidarité… Problème de mentalité, toujours…