Il y a quelques jours seulement, juste avant la catastrophe au Japon − hasard des coïncidences… − je suis tombé sur un essai intitulé : L’humanité disparaitra, bon débarras !
Je n’ai rien appris, mais je me suis régalé de voir écrit, et beaucoup mieux, beaucoup plus clairement et méthodiquement que je n’aurais pu le faire moi-même, ce que je pensais depuis longtemps de l’espèce à laquelle j’appartiens.
Je vous propose quelques extraits qui m’ont laissé un goût curieux : amer, acide… mais en même temps très plaisant quand même. Ça commence comme ça :
J’ai cru en l’homme. Je n’y crois plus. J’ai eu foi en l’humanité : c’est fini. J’ai pensé, dit et écrit que mon espèce avait un avenir. J’ai tenté de m’en persuader. Je suis maintenant sûr du contraire : l’humanité n’a nul destin. Ni lendemain qui chante, ni surlendemain qui fredonne. No future : elle est comme une droguée − avide et déjantée, esclave des biens matériels, en souffrance de consommation, asservie à ce qu’elle imagine être la «croissance» ou le «progrès», et qui sera sa perte. [...]
Je suis un déçu de l’humanité comme d’autres le sont su socialisme ou du capitalisme. Depuis belle lurette, je sais que le navire de notre espèce ira par le fond.[...]
Pendant trente ans j’ai entretenu des illusions − pour les autres et pour moi-même. J’ai tenté de dénicher des raisons de garder confiance en l’homme ; de continuer à croire en un futur. J’en ai même rajouté dans le registre béat. J’ai proclamé que tout est possible, y compris le meilleur. L’espèce humaine, ai-je argumenté, est sensible, sociable, solidaire et généreuse. Elle a un gros cerveau et un cœur. Elle est intelligente et créatrice. Sa science et sa morale la sauveront. La gravité de la situation apparait à tout le monde : par conséquent, les remèdes seront administrés. [...]
Voilà trente ans que je m’efforce de croire à ce discours ou à cette utopie, et d’en persuader les autres. Mais le temps a dissous mes ultimes espérances.
Pour résumer, je suis excédé. J’en ai assez de jouer les Don Quichotte en bataille contre les raffineries de pétrole et les centrales nucléaires. Je suis écœuré des paroles généreuses qui s’envolent et des textes lucides qu’aucun acte ne conclut. Je suis fatigué des bonnes décisions qui s’enlisent dans les sables mouvants des passe-droits, des coups de bourse et des profits illicites. J’en ai par dessus la tête des projets subtils que l’avidité de certains tue dans l’œuf ou étouffe à la naissance. J’en ai marre de la perpétuelle dictature des intérêts individuels, familiaux, corporatistes, religieux, communautaires ou nationaux ; du je-m’en-foutisme et de l’hypocrisie ; de la bassesse ordinaire ; de l’égoïsme général (je me range, évidemment, sous l’adjectif « général »). J’en ai ma claque des promesses la main sur la poitrine, dont on sait qu’elles n’engagent que ceux qui les croient.
Je me suis épuisé de me mentir à moi-même et de mentir aux autres − y compris à mes proches. [...]
Qu’est-ce que l’homme ? Selon la formule dévastatrice de Platon, c’est « un animal à deux pieds sans plume ». Un poulet peu poilu… J’ajoute : un ravageur imprévoyant ; un destructeur invétéré ; un saccageur qui n’a d’autre préoccupation que son intérêt immédiat ; une espèce violente envers les autres comme envers elle-même ; un danger pour tout ce qui respire. L’homme est un barbare à deux pieds sans plumes…
L’auteur : Yves Paccalet, si ça vous intéresse. Cet essai a eu le prix du pamphlet 2006…
Ben oui, mais LE problème, c’est quand même le nucléaire, en ce moment. Ah ben si ! Tout le reste passe au second plan : les révolutions du monde arabe, le Médiator et les Assises du médicament… et même le tsunami qui lui était lié.
C’est LE sujet de discussion. J’ai même entendu le sage astrophysicien Hubert Reeves nous dire qu’après avoir été longtemps un partisan du nucléaire, il est devenu un opposant. Pourquoi, monsieur ? Je ne peux pas vous le dire comme ça, il serait trop long d’expliquer un cheminement complexe qui s’est fait sur plusieurs années…
Moi, c’est marrant, j’ai toujours été contre le nucléaire, sans passer trop de temps à réfléchir sur la question. Parce qu’il est des arguments qui permettent de tirer des conclusions sans trop perdre de temps en réflexion. En gros, je n’ai tenu compte que de 2 paramètres.
Le premier, le risque rapidement incontrôlable de « l’usine à gaz » si quelque chose venait à aller de travers, avec un temps de radioactivité infini par rapport à notre échelle de durée de vie, et avec dans tous les cas la production de déchets nucléaires dont la période radioactive est, pour certains, de… 200 000 ans (enfin, plutôt 245 000 ans, mais on n’est plus à 45 000 ans près…). « Pas de problème pour nous, on sait s’en occuper » disent sans vergogne nos « gérants » d’Areva… Les types sont capables, en vous regardant dans les yeux, de garantir 200 000 ans de contrôle sur les déchets ! Le pire, c’est qu’il y a du monde pour le croire.
Ce qui nous amène directement au paramètre suivant : la bêtise humaine − seconde chose infinie avec l’Univers, d’après Einstein − qu’accompagnent d’autres qualités humaines indispensables à la gestion des centrales nucléaires : la cupidité, la négligence − du présent et de l’avenir −, l’inconscience, la malhonnêteté, l’égoïsme, bref tout ce qui grandit l’homme.
L’homme intelligent ? Une preuve alors : construire des centrales nucléaires sur des zones sismiques ! Tiens, c’est pas con ça… Heureusement qu’on rassemble tout un tas de gros cerveaux − ce qu’il y a de plus performant dans l’espèce − pour arriver à un tel résultat.
Georges Charpak (pas vraiment un anti-nucléaire) avait prévenu en 2005 que « le problème de la sécurité des centrales est trop crucial pour être laissé aux mains des seuls financiers, champions des optimisations boursières ». (Petite parenthèse pour dire que la même réflexion pourrait s’appliquer pour la santé des gens : le médicament c’est trop dangereux pour être laissé au seul contrôle de l’industrie qui les fabrique et les vend, essentiellement pour faire du bénéfice…)
On apprend que TEPCO (Tokyo Electric Power COmpany − le plus grand producteur privé d’électricité au monde) a falsifié des rapports d’inspection de ses centrales, avec dissimulation d’incidents… Pas bien étonnant : on connait bien la transparence de l’information pour ce qui concerne le nucléaire.
Tout à l’heure, à la radio, j’entendais un vieil écologiste qui disait : « On va tous crever… Mais nous, ce sera avec le sourire, parce qu’on avait raison ! ». On sentait quand même un peu d’amertume… (J’ai mis ce petit paragraphe pour détendre un peu le lecteur, mais je ne suis pas bien sûr du résultat.)
J’ai mieux pour détendre : des salades produites par la RDA pour une consommation en RFA ayant été contaminées par le nuage radioactif de Tchernobyl, ont été refoulées à la frontière. Donc proposées à la vente en RDA… mais boudées par la population qui suivait les infos de l’Ouest. Que croyez-vous qu’on fît de ces salades ? Ne cherchez pas, vous ne trouverez pas : on les a fourguées aux cantines scolaires ! La bienveillance humaine pour sa propre descendance… Qualité humaine à joindre à celles relevées plus haut…
Non, sérieusement, comme je l’ai écrit sur un forum de médecins, je n’ai jamais éprouvé de fierté à être médecin (catégorie professionnelle travaillant théoriquement pour la santé de la population et, consciemment ou pas, pour celle de l’industrie pharmaceutique − ce qui est parfois très antinomique… impression personnelle… voir l’article : Médecine ?), ni même, avais-je ajouté, à être humain.
On pourrait continuer à parler longtemps du nucléaire, mais à quoi bon ?!
La conclusion de cet article est la même que celle du livre qu’il présente : L’humanité disparaitra, bon débarras !
Extrait du documentaire : Le nuage – Tchernobyl et ses conséquences
J’aime!
Vraiment trop, le coup des salades! C’est vérifiable?
J’ai ajouté un lien en fin d’article, extrait d’un documentaire diffusé sur Arte le 16 mars.
Yves Paccalet disparaitra….bon débarras!