Mauvaise foi

La mauvaise foi, c’est incroyable. Pris la main dans le sac, certains sont capables de tenir leur position. De manière pitoyable, certes… mais − plus grave − ça marche !

Un exemple récent : les partisans du traitement médicamenteux contre la maladie d’Alzheimer qui maintiennent que c’est pas bien de ne pas traiter, même si les traitements sont inefficaces (et même s’ils sont délétères − tant qu’on y est… −), parce que sinon ce serait comme si qu’on les abandonnait, les Alzheimer. Bon, faut déjà n’avoir honte de rien pour proposer un argument pareil. D’accord, mais… ça marche ! Pourquoi ? parce qu’une réponse même minable vaut mieux que pas de réponse du tout. Cela permet de se souvenir qu’il existe un contre-argument, et de prolonger une petite routine de prescripteur, pour ceux qui en prescrivent encore sans trop se remettre en question.

Ça parait assez incroyable, mais il y a eu beaucoup de cas comme celui-là. Par exemple la Roselyne qui malgré ses bourdes (plus ou moins volontaires) sur la vaccination contre la grippe A /H1N1, est capable de tenir tête aux enquêteurs-sénateurs, et de dire que si c’était à refaire, elle referait tout pareil… pour la santé de la population ! Dans cette histoire, comme l’a écrit mon ami Olivier Vinot dans vaccination chaotique, nous avons eu la chance que la grippe ne soit pas grave… Parce que plutôt que de passer pour des crétins aux yeux des pays pauvres, nous, pays riches, serions passés pour des salauds d’égoïstes (cela apparait moins − et excuse un peu − quand on est surtout ridicule !). Mais ça ne fait rien, on referait la même chose si cela se reproduisait… C’est quand même quelqu’un qui fait encore partie de nos gouvernants qui nous le dit.

Mais mon propos, maintenant, est de revenir sur une affaire qui me tient aussi beaucoup à cœur : celle du CNCI. Autrement dit le Certificat de Non Contre-Indication à la pratique du sport. Dans ce dossier (voir Certificat et sport), je suis déjà allé regarder bien dans les coins, et j’ai pu voir que la loi était finalement bien faite en ne rendant obligatoire, pour le sport-loisir, qu’un seul examen médical (pour l’obtention de la première licence − et encore, une licence de fédération sportive). Et c’est tout. Mais comme les gens sont pointilleux, on demande chaque année ce certificat médical… Quand je dis « les gens », je ne sais pas de qui il s’agit : l’association sportive dit que c’est l’assurance sportive qui l’exige, mais en fait non. Ce n’est qu’une allégation sans fondement : une croyance populaire, une légende. On pourrait donc, si on le voulait vraiment, remettre les compteurs à zéro, et dire qu’il suffit de respecter simplement la loi.

Vous imaginez avec quelle impatience j’attendais les conseils de la plus haute autorité médicale, qui semble vouloir se préoccuper de cette question. Et là… on retombe dans le même travers que d’habitude. Surtout ne rien faire et laisser les choses continuer comme avant. L’argument ? Très fort : le CNCI n’est pas obligatoire, mais c’est quand même l’occasion de faire le point. Je ne l’invente pas, c’est dans une CIRCULAIRE du 27 septembre 2011 relative à la rationalisation des certificats médicaux : ici.

Au début, quand j’ai vu ça, je me suis dit : Enfin ! C’est noir sur blanc dans le résumé, et dans les mots-clés : on veut simplifier ! Et puis, à la fin du texte, on arrive à cette conclusion, concernant le CNCI :
« Hormis ces cas particuliers (Les cas particuliers sont les sports de compétition et les compétitions elles-mêmes.), les demandes de certificats de non contre indication à la pratique sportive ne reposent sur aucun fondement juridique. Toutefois, il s’agit d’un sujet sensible car le contrôle médical préalable à la pratique sportive est avant tout un acte de prévention. En effet, il a pour objectifs le dépistage des pathologies pour lesquelles la pratique sportive pourrait induire un risque vital ou fonctionnel grave, l’identification des facteurs susceptibles de favoriser la survenue d’éventuelles pathologies directement liées à la discipline sportive pratiquée, et le conseil pour adapter la pratique sportive chez les personnes atteintes de pathologies avérées. Ce sujet fera l’objet d’une instruction ultérieure. »

Voilà. Il suffit d’un « toutefois » pour surtout ne rien changer, même si c’est ridicule : les certificats de non contre-indication à la pétanque (un confrère m’a dit que cela lui a été demandé), au tai chi chuan, au yoga… à l’aïkido, bien sûr, et à tant d’autres activités douces (de loisir, non de compétition !), ne sont pas près de disparaitre. Oui, on me l’a déjà dit, je suis pessimiste… (Vraiment ?)

Est-ce bien sérieux de parler de « prévention » ? Nous sommes dans un pays où l’évolution des enfants est scrupuleusement marquée sur des courbes d’un carnet de santé noirci par des consultations à la moindre inquiétude. Pour les adultes, alors ? On peut voir à quel point les gens sont abandonnés des soins : le moindre problème et on siffle SOS médecin (dans les grandes agglomérations, certes) qui rapplique sans aucune discrimination sur la nature de « l’urgence »… Bref, les gens sont laissés à l’abandon médical, et un CNCI serait l’occasion de faire le point, nous explique-t-on… Et pourquoi, alors, ne pas aller jusqu’au bout du raisonnement ? Si cette consultation relève de la prévention, pourquoi ne pas la faire prendre en charge par l’assurance maladie ? Bah, nous ne sommes plus à une incohérence près…

Je me suis moi-même accroché avec un de mes professeurs d’aïkido, sur ce sujet. Il ne voyait pas pourquoi j’accordais autant d’importance à ce problème. Et même pourquoi j’en faisais un problème. Il ne savait pas pourquoi il exigeait de ses élèves ce certificat, même s’il convenait avec moi que cela n’avait aucun intérêt dans notre discipline et que cela représentait une perte d’énergie pour tout le monde (ceux qui devaient le fournir pour pouvoir pratiquer, et ceux qui devaient leur courir après pour le récupérer). C’était plus simple pour lui de faire comme si ce n’était pas un problème. Je lui ai répondu ceci : « Si je dois être aussi con en faisant de l’aïkido qu’en n’en faisant pas, autant ne pas en faire ! ». Je ne développerai pas, j’ai déjà abordé toutes les questions de responsabilité et d’autonomie − d’art de vivre, en somme − sur mon site consacré à l’aïkido.

Depuis, j’ai un regard plus critique sur la notion de maitre. Celui dont il était question ci-dessus, que je pensais être un maitre, n’est en fait, après actualisation de mon point de vue, qu’un expert technique en aïkido. S’il avait été médecin, il aurait pu être de ceux qui font des certificats parce qu’on leur en demande, même si cela n’a aucun intérêt… Euh, sinon pécuniaire…

Ah ben oui, tiens ! Finalement, ce sont les médecins qui profitent de ce flou artistique. J’en ai même entendu dire que cela constituait le « bonus de la rentrée ». Ces médecins-là sont plus acteurs de l’économie qu’acteurs de la santé. Un peu comme ceux qui trouvent naturel de prescrire ce que les visiteurs médicaux leur conseillent de prescrire (ou ceux qui pensent qu’une formation doit être payée par un labo, formation consistant à écouter un leader d’opinion, lui aussi payé par le labo, et à être invité au resto − en général un bon resto −, toujours aux frais du labo). Tous se sentent à l’aise dans ce système complètement fou.

D’ailleurs, ce sont peut-être les mêmes…

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2 Responses to Mauvaise foi

  1. Marietoune says:

    Ceci étant dit, les visites médicales annuelles sont tout de même l’occasion de faire le point sur sa santé, les certificats n’étant qu’un prétexte.
    D’habitude on va voir le médecin quand on est malade et on n’a pas le temps de s’attarder sur le reste. Cette année mon généraliste en a profité pour faire un « check up » complet à toute la famille. Il a trouvé que la vue de ma fille avait considérablement baissé et très rapidement. On s’en était un peu rendu compte et nous avions déjà un rendez-vous chez l’ophtalmo…. 5 mois plus tard! En un coup de fil il a accéléré tout ça et 2 semaines après elle avait ses lunettes et commençait la rééducation orthoptique. C’ aurait été dommage de passer la moitié de l’année scolaire dans le flou.
    J’ai pu prendre le temps de discuter contraception et vaccins. Mon mari arrêt du tabac.
    Je n’y aurais jamais été pour ça sinon.

    Voilà.

    • marc says:

      Cela montre au moins tout l’intérêt que votre médecin accorde au CNCI, puisqu’il prend ce temps là pour parler de tout autre chose… Comme vous le dites, c’est un prétexte.
      Pour les orientaux, dans toute chose il y a son contraire (yin / yang), et dans une mauvaise chose, il peut y avoir du bon. C’est ce que vous nous montrez. Le problème que je pose, c’est le global. Je pourrais résumer en une question : est-ce que, pour vous permettre de discuter avec votre médecin − ce que vous êtes libre de faire, ou que votre médecin est libre de vous proposer, avec une consultation sans motif précis − faut-il obliger des centaines de milliers de personnes à fournir un CNCI pour une activité physique dont tout le monde reconnait le bénéfice (je précise encore une fois que je parle d’activité physique sans compétition) ? Un peu cher le prétexte quand on pense au nombre de consultations vraiment inutiles pour obtenir ce document tout aussi inutile…
      La loi était claire, bien que non appliquée, sur cette question. Il me semble qu’elle est en train de devenir de moins en moins claire… alors que, nous dit-on, l’intention est de simplifier !