À Marc Girard

En général, j’aime bien ce que vous racontez. Je ne suis pas toujours d’accord, mais vous apportez toujours un point de vue intéressant concernant la santé, et la pharmacologie en particulier. Comme je n’y connais rien − ou presque − en pharmacologie, il ne me viendrait pas à l’idée de discuter avec vous du fond. Par contre, il y a la forme qui me gêne, dans votre récent billet.

A la première lecture je dois dire que j’ai été un peu interloqué par votre texte. Impression curieusement désagréable que je vais essayer de vous expliquer.

D’une manière générale, je n’aime pas le ton « professoral – donneur de leçon ». Pour une raison simple qui tient à ma perception de l’humain : bipède sans plumes… et plutôt con, dont certains spécimens sont moins cons que les autres, avec quelques exceptions qui le sont beaucoup moins encore, mais sans que cela ne change le fond. Ce que je veux dire, c’est que même le plus brillant d’entre les hommes n’aura qu’une vision tellement parcellaire d’une globalité hors de sa portée qu’il devrait garder une humilité de bon aloi (voir lettre à l’autorité).

Et puis en fin d’analyse − qui n’est que la mienne, bien sûr − je crois que Philippe Nicot mérite certainement plus de respect que de mépris. Nous y reviendrons.

En quoi tout cela est-il mon problème ?

D’abord, j’ai conseillé à beaucoup de monde d’aller vous lire et de vous écouter… depuis la « terrible menace » de la grippe A/H1N1. Mais ce n’est pas, bien sûr, la raison principale…

J’essaie toujours de simplifier les choses. Concernant les humains, je distingue deux catégories : ceux qui sont motivés surtout par l’intérêt général, et ceux qui sont motivés surtout par l’intérêt personnel. Ce n’est pas la même structure mentale, pas le même type de raisonnement du tout. Je me range dans la première, et je reconnais dans cette catégorie des gens comme Philippe Nicot et… vous-même !

Alors, j’ai la désagréable impression d’absurdité de la situation. J’ai l’impression que quelque chose m’a échappé. Je relis, et j’essaie de comprendre…

Pour le fond, l’analyse est probablement recevable pour les experts de votre trempe, elle est claire et concise pour le quidam de mon espèce, et certainement très riche d’enseignement pour l’intéressé.

Il est évident que c’est la forme qui ne va pas…

Certes, vous pouvez vous permettre de critiquer les autres sur la syntaxe, vous êtes, vous-même, excellent dans ce domaine. Néanmoins, cela ne fait pas toute la qualité d’un texte.
Votre style, dans ce billet, est extrêmement bizarre : grandiloquence hors de propos, teintée de mépris, vous m’êtes même apparu à la limite de la cruauté dans l’acharnement. Enfin, il s’agit, ici, de mon ressenti.
Pourquoi avoir mis autant de jugement personnel, de moquerie très « lourde » (sans finesse) avec insistance puérile (je pense à votre remarque sur les Allemands) ?
Vous parlez de respect de l’Autre par une utilisation correcte de la syntaxe. Est-ce là une astuce pour vous dédouaner du vrai respect ? Où est le respect de l’Autre quand vous traitez les gens de cette façon, en vous amusant, du haut de votre suffisance, à un jeu de massacre ? J’ai un ami dyslexique qui a de grosses difficultés avec l’écrit… Dois-je lui reprocher un manque de respect par une syntaxe approximative ?

Personnellement, je ne comprends strictement rien à vos chiffres et analyses, et d’ailleurs cela ne m’intéresse pas. Pourquoi mépriser à ce point quelqu’un qui s’intéresse à ce qui vous intéresse ? Chasse gardée ? Période difficile pour vous, sur le plan personnel, en ce moment ?

Plutôt que de déverser publiquement votre venin d’une manière assez inélégante, Il me semble que vous auriez pu vous adresser directement à Philippe Nicot, et lui expliquer vos remarques dont il pourrait faire bon usage. Je le connais assez pour savoir qu’il est un infatigable bûcheur, animé du désir de bien faire dans l’intérêt commun. Vous reprochez à Bernard Junod de faire ce que l’on pourrait vous reprocher de ne pas faire : l’aider à être un meilleur allié pour tous.

Je suis un médecin de terrain et j’ai besoin d’informations concrètes.
Depuis l’affaire du Tamiflu® et de la vaccination anti grippe A/H1N1, je considère que tout ce qui émane d’une « autorité » médicale est sans intérêt… sinon suspect. Par conséquent, tout courrier estampillé HAS ou AFSSAPS (et j’en reçois beaucoup), va directement à la poubelle. Pas de temps à perdre… Heureusement pour moi, je n’en ai pas vraiment besoin (je remercie le ciel tous les jours de n’être pas prescripteur), mais je plains mes confrères qui, eux, ont besoin d’une aide fiable, sérieuse, et officielle de préférence.

Car la question qui se pose est : vers qui se tourner pour avoir une information fiable et sérieuse ? J’avoue que je préfère avoir l’avis de quelqu’un de confiance, d’honnête, même moyennement compétent, que celui de quelqu’un de très compétent mais malhonnête. Pas vous, peut-être ?

Vous dites vous-même qu’un bon expert est rapidement repéré par les entreprises qui le couvrent d’or. Voilà qui permet de comprendre pourquoi nous n’en sortirons pas : l’humanité utilise son intelligence à ses dépens. C’est vrai pour la santé comme pour tout. Les meilleurs cerveaux, de nos jours, se dirigent vers la finance, secteur le plus lucratif, pour pondre des produits financiers auxquels même les banquiers ne comprennent rien, et dont l’objectif est de spéculer pour faire plus d’argent à partir de rien… ou plutôt du malheur des plus démunis. Il ne faut pas s’en étonner, c’est logique. Si le but est de faire du bénéfice, peu importent les moyens et les dégâts humains. C’est la même logique qui conduit à vendre du médicament comme n’importe quel produit de consommation. Ce qui intéresse les industriels du médicament, c’est avant tout leur santé financière, pas la santé des gens.

Heureusement, il existe des associations qui se démènent : Formindep, Voix médicales, Prescrire, Med’océan, par exemple, et des individus très suivis sur Internet, tels D. Dupagne, C. Lehmann, J-C Grange, E. Pasca, entre autres,… et VOUS, qui se battent pour l’intérêt général (enfin, c’est l’impression que j’ai…). Bien sûr, tout le monde n’est pas toujours d’accord, mais il me semble que l’on peut espérer un minimum de respect entre gens du même bord.
Malgré vos critiques, vous reconnaissez que le Formindep a obtenu des résultats concrets… Pourquoi ne pas associer les compétences ?

En quoi Philippe Nicot mérite-t-il le respect ?

Il est, nous l’avons vu, du côté de l’intérêt général. Il s’est donné la peine de faire un travail que les experts ne font pas honnêtement (les bons ont généralement un conflit d’intérêts…), sans avoir touché un centime (vous n’avez pas été rétribué pour commenter son rapport, lui n’a pas été rétribué pour le faire, ce que vous auriez pu savoir si vous l’aviez contacté), avec le mérite supplémentaire de ne pas avoir le niveau de ceux qui ne font que ça. Moi, j’aurais plutôt envie de le remercier car je ne le ferais pas moi-même, et je pense qu’il est nécessaire que des gens s’y collent. Des gens sans conflit d’intérêts, ce qui est rare dans votre domaine d’expertise, vous le reconnaissez vous-même.
Voilà pourquoi, je pense que Philippe Nicot mérite plus de respect que de moquerie, même de votre part. Justement de votre part, si votre idée est de faire avancer vraiment l’expertise honnête.

Qu’il soit fier d’être médecin généraliste, je peux le comprendre. Que vous le moquiez de cette fierté-là, je peux le comprendre aussi. Pourtant, vous-même semblez être tellement fier de votre métier d’expert (sinon pourquoi une telle morgue ?). Pour ce qui me concerne, je ne suis fier de rien : ni d’être médecin (voir Médecine ?), ni d’être humain (voir Bon débarras !)…

Pour terminer quelques mots encore…

Je sais qu’écrire ne sert à rien − ou presque −, et si vous avez eu l’occasion de vous promener sur ce site, vous aurez sans doute relevé que je suis « laboritien », « camusien » et utilitariste. J’essaie de comprendre le fonctionnement de l’Homme ; je le trouve absurde, mais je me révolte, pour que « le plus grand bonheur pour le plus grand nombre » ne reste pas qu’une devise… en sachant que la révolte ne sert à rien. C’est l’objet de ce blog. Pas de prétention, juste des idées pour distraire et, si possible, faire bouger les pensées, comme je me distrais et fais bouger ma pensée en allant sur des sites comme le votre. Je sais aussi que naitra quelque chose de ces moyens de communication. Car il sont hors de contrôle.

On dit qu’un ami vous dit quand vous sentez mauvais… les autres vous laissent continuer de sentir mauvais. J’ai réfléchi longuement avant d’écrire, parce que je savais que certains propos allaient être durs. Mais vous l’avez cherché (si, un peu quand même)… Je ne tiens pas à me lancer dans une bataille contre ceux que je considère comme des alliés. Je crois que la discussion peut être profitable, à condition de rester ouvert. Il m’a semblé que vous ne l’étiez pas vraiment, dans votre billet. J’espère que le mien apaisera ces tensions. En tout cas, je ne vois pas quoi faire d’autre…

J’évalue l’intelligence d’un humain en grande partie à sa capacité à reconnaitre, quand c’est le cas, qu’il a eu tort (et qui n’a jamais eu tort ?).

Encore une chose : je suis membre du Formindep, mais membre par dépit. Parce que je ne comprends pas que la formation des médecins ne soit pas totalement indépendante de l’influence de l’industrie pharmaceutique. Je ne comprends pas que se soit essentiellement à des médecins de base (qui ont autre chose à faire) de s’occuper de ce problème. À quoi sert donc l’État ? Tout cela est complètement absurde (enfin, il me semble)… parmi tant d’autres absurdités…

Mes salutations.

This entry was posted in Lettres ouvertes. Bookmark the permalink.

One Response to À Marc Girard

  1. beau texte , apaisant . En effet , il est dommage que les hommes de qualité se laissent aller à la méchanceté gratuite . Ne nous trompons pas d’ ennemis , par ignorance et encore moins par dépit .
    YJ